Sénégal : trois journalistes emprisonnés pour violation de secret défense
Alioune Badara Fall, directeur de publication du quotidien indépendant «L’Observateur», et Mamadou Seck, reporter au même journal, ainsi que Mohamed Guèye, directeur de publication du journal «Le Quotidien», sont détenus depuis quatre jours à Dakar, en attendant d’être présentés à un procureur pour violation du secret dans deux affaires distinctes, concernant la Défense et l’instruction, selon leurs groupes de presse.
Les trois journalistes avaient été interpellés mardi, séparément, placés en garde à vue puis devaient être présentés mercredi à un procureur. Mais leur audition a été renvoyée à jeudi et puis une nouvelle à vendredi, selon les mêmes sources.
Le procureur n’a pas encore pris de décision, a précisé un responsable du Groupe Futurs Médias (GFM), dont l’avocat, Me Baboucar Cissé a confirmé le retour au parquet pour Fall et Seck. Aly Fall, membre de la rédaction du Quotidien et un responsable syndical dans ce journal, a fait état de la même décision pour Mohamed Guèye.
Dans un communiqué, GFM a indiqué que ses journalistes ont été interpellés suite à une plainte pour « violation du secret Défense».
Selon le responsable de GMF, il est reproché aux journalistes incriminés, un article publié le 8 mai sur la sélection et la composition du contingent de 2.100 soldats que le Sénégal a décidé d’envoyer en Arabie saoudite en soutien aux opérations de la coalition arabe contre les insurgés au Yémen.
Quant à Mohamed Gueye, il est accusé de violation du secret de l’instruction pour avoir, le 10 juin, publié intégralement le procès-verbal (PV) de l’enquête de la gendarmerie sur l’affaire Thione Seck, une star de la musique sénégalaise, incarcéré pour tentative d’escroquerie et blanchiment d’argent dans le cadre d’une investigation sur des faux billets.
Augustin Tine, ministre sénégalais de la Défense a sévèrement critiqué la publication d’informations sensibles sur l’armée, en se prononçant mercredi sur l’interpellation des journalistes de L’Observateur.
Et selon lui, l’enquête qui a été ouverte permettra certainement de déterminer les sources qui ont informé les journalistes.
Condamnation unanimes des organisations professionnelles et des défenseurs des droits de l’homme.
L’Association des éditeurs et professionnels de la presse en ligne (Appel) du Sénégal a dénoncé jeudi, l’incarcération des journalistes et exigé leur libération immédiate et sans condition.
Les éditeurs de la presse en ligne ne peuvent comprendre ni accepter que l’on demande à un journaliste de révéler sa source.
Dans un communiqué commun publié jeudi, cinq organisations sénégalaises de défense de la liberté de la presse et des droits de l’Homme se sont déclarées préoccupées par la procédure judiciaire lancée contre les trois journalistes.
« Dans les deux affaires, les journalistes on subi des pressions visant à les amener à divulguer leurs sources, et ce, en violation du droit à la protection des sources journalistiques, un pilier fondamental de l’indépendance des médias » dénoncent ces ONG dont « Article 19 », « la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme » (Raddho) et « Amnesty International-Sénégal ».
Les mesures judiciaires prises à l’encontre des journalistes, notamment la privation de liberté, sont disproportionnées, estiment-elles, tout en admettant que des précautions professionnelles auraient dû être prises dans le cadre de la publication intégrale des informations du PV de l’interrogatoire de Thione Seck par Le Quotidien.