Tunisie: L’état d’urgence ne doit pas conduire à la suppression des libertés
« L’état d’urgence décrété en Tunisie après l’attentat sanglant contre un hôtel, ne doit pas conduire le gouvernement à supprimer les libertés et les droits acquis depuis la révolution 2011 », a déclaré mardi Human Rights Watch (HRW), dans un communiqué.
Pour cette organisation de défense des droits de l’homme, l’instauration de l’état d’urgence ne donne pas au gouvernement tunisien le droit de supprimer les droits humains et les libertés fondamentales.
Le président tunisien, Béji Caïd Essebsi a décrété samedi dernier l’état d’urgence sur tout le territoire tunisien pour 30 jours en raison des dangers qui menacent le pays, huit jours après l’attentat commis sur la plage de Sousse et qui a coûté la vie à 38 touristes.
Selon Eric Goldstein, directeur adjoint de HRW pour le Moyen-Orient et l’Afrique, même si les défis auxquels la Tunisie fait face en matière de sécurité justifient sans doute une réponse ferme, cela ne saurait conduire à l’abandon des droits garantis dans la Constitution promulguée après la révolution, et obtenus de haute lutte par les Tunisiens.
Depuis la proclamation de l’état d’urgence, certains craignent une restriction des libertés publiques.
Mais le gouvernement se veut rassurant. S’exprimant mardi devant la presse, le ministre tunisien chargé de la Société civile, Kamel Jendoubi, a estimé à ce propos que quand la sécurité est visée et quand on est face à des criminels armés, le premier des droits est celui d’assurer la sécurité et la garantie de la vie humaine.
Selon lui, l’état d’urgence ne fait qu’élever le niveau de vigilance dans le pays, mais cela n’a jamais menacé la liberté en Tunisie.
Pourtant, l’état d’urgence accorde des pouvoirs d’exception aux forces de l’ordre. Il autorise notamment les autorités à interdire les grèves et les réunions de nature à provoquer ou entretenir le désordre, à fermer provisoirement salles de spectacle et débits de boissons ainsi qu’à prendre toutes mesures pour assurer le contrôle de la presse et des publications.
Dans ce contexte, neuf ONG, dont HRW, Amnesty International et Reporters sans frontières, ont adressé mardi une lettre au Parlement tunisien pour le prévenir contre des failles dans le nouveau projet de loi anti-terroriste que le gouvernement avait soumis fin mars à l’Assemblée des représentants du peuple.
Le texte, en cours d’examen par le Parlement, comporte des dispositions qui peuvent porter atteinte aux droits et libertés publiques et individuelles, ont-elles ajouté.
Selon elles, il autorise à titre d’exemple la police à maintenir un suspect en garde à vue pendant une durée maximale de 15 jours sur simple accord d’un procureur et sans comparution de la personne devant un juge. Pendant ce délai, le suspect ne serait pas autorisé à communiquer avec un avocat ou avec sa famille, ce qui accentue le risque de mauvais traitement ou de tortures, dénoncent ces ONG.